La Croix de Mgr Salas | ឈើឆ្កាងរបស់លោកអភិបាល យ៉ូសែប ឆ្មា សាឡាស់។


 

Dans l'Église catholique du Cambodge, tous le monde connaît cette croix : c'est la croix pectorale que se transmettent les évêques de Phnom Penh et qui fut portée par Mgr Joseph Chhmar Salas, premier évêque cambodgien de Phnom Penh. Elle est appelée la "Croix de Mgr Salas", mais il ne fut pas le premier à la porter. Le 21 novembre 2020, Mgr Olivier Schmitthaeusler, actuel Vicaire apostolique de Phnom Penh, m'a remis une copie de cette croix (photo en bas de page) à l'issue de la messe solennelle pour la fête de la Présentation de la Vierge Marie à Areyksat. J'ai demandé à Mgr Yves Ramousse, Vicaire apostolique émérite de Phnom Penh, retiré en France, de me raconter son histoire. Voilà ce qu'il m'a répondu (les indications entre crochets sont de moi) :

 

"J'ai été ordonné évêque de Phnom Penh le 24 février 1963 à la Rue du Bac [128 rue du Bac, Maison-mère des Missions Étrangères de Paris], alors que j'étais en France. Ma croix pectorale était une simple croix en métal. À mon retour a Phnom Penh en mars 1963 j'ai trouvé cette croix dite aujourd'hui croix de Mgr Salas, dans le « trésor de l’évêché ». Mais je ne saurais dire a quel évêque prédécesseur elle appartenait. Je m'en suis servi en alternance avec ma croix.

 

Église de Preah Mieda ("Mère de Dieu") dans le quartier de Russey Keo (Nord de Phnom Penh), où a eu lieu l'ordination épiscopale de Mgr Joseph Chhmar Salas. Elle a été détruite pendant la période des Khmers rouges.
Église de Preah Mieda ("Mère de Dieu") dans le quartier de Russey Keo (Nord de Phnom Penh), où a eu lieu l'ordination épiscopale de Mgr Joseph Chhmar Salas. Elle a été détruite pendant la période des Khmers rouges.

Je m'en suis servi le 14 avril 1975 pour l'ordination de Joseph Salas dans l'église de Preah Meada. En signe de continuité, pendant la cérémonie, je lui remis la croix pectorale que je portais depuis douze ans en lui disant : «Reçois la croix du Christ. Porte-la au milieu de tes frères».

 

Trois jours après Mgr Salas l'emporta avec lui en déportation à Taing Kauk avec les chrétiens de Preah Meada dans les camps de travail forcé de Pol Pot. Sa famille la tint cachée dans un nid de poule pendant le temps des khmers rouges. Après la chute de Pol Pot en 1979 les chrétiens de Phnom Penh revinrent dans la capitale et malgré l'interdiction de pratiquer la religion catholique, ils se rassemblaient discrètement dans les maisons pour lire l’Évangile et prier le chapelet autour de la croix de Mgr Salas, qu'ils vénéraient en l'embrassant.

 

Je suis revenu à Phnom Penh en février 1989 et le Père Émile Destombes dans la même année. La liberté de culte pour les catholiques cambodgiens fut reconnue le 14 avril 1990. Un jour, la maman de Mgr Salas vint me voir pour me remettre la croix pectorale de son fils. Dès lors je la prenais dans les occasions significatives... baptêmes confirmations... elle était un symbole catéchétique très parlant.

 

Lorsque Mgr Destombes devint évêque coadjuteur de Phnom Penh, le 5 octobre 1997, au moment de la remise de la croix, la maman de Mgr Salas gravit les marches de l'autel pour lui remettre la croix de son fils en signe de continuité et de solidarité. Ce fut un moment de grande émotion.

 

C'est Mgr Luigi Bressan, nonce apostolique au Cambodge et en Thaïlande [mission qu'il assumera de 1994 à 1999, et qu'il quittera pour devenir archevêque de Trente], qui proposa de reproduire la croix pectorale de Mgr Salas, si chargée de souvenirs. Il l'emporta à Bangkok et chargea des artisans d'en faire des fac-similés. Plusieurs dizaines de moulages furent offerts à l’Église du Cambodge. De couleur grise, je ne sais en quel métal elles ont été moulées.

 

En l'an 2000 le Pape Jean Paul II demanda à toutes les Églises de vénérer les martyrs des temps modernes. Nous avons fait faire une grande croix en fer forgé qui reproduisait la croix pectorale de Mgr Salas, et nous l'avons plantée dans la rizière de Taing Kauk le 2 mai 2000, sur les lieux même où Mgr Salas était mort d'inanition. La terre des martyrs pouvait devenir une terre d’espérance."

 

Mgr Jean-Baptiste Grosgeorge, Vicaire apostolique du Cambodge (1896-1902).
Mgr Jean-Baptiste Grosgeorge, Vicaire apostolique du Cambodge (1896-1902).

Ainsi, nous ne savons pas exactement où et quand cette croix pectorale a été fabriquée, ni pour quel évêque. La facture est résolument occidentale, donc il semble bien que cette croix ait été fabriquée par un orfèvre européen, et très probablement français, puisque depuis l'érection du Vicariat apostolique du Cambodge en 1850, tous les vicaires apostoliques successifs ont été des prêtres français de la Société des Missions Étrangères de Paris.

 

D'après Mgr Olivier Schmitthaeusler, qui porte actuellement cette croix, la plus ancienne photographie que nous ayons d'un évêque portant cette croix pectorale est le portrait officiel ci-contre, celui de Mgr Jean-Baptiste Grosgeorge. Né le 15 juin 1846 à La Voivre (Vosges) et décédé le 1er mars 1902 à Cuo-Lao-Gieng (Vietnam), il a été le troisième Vicaire apostolique du Cambodge, mission qu'il a assumée du 28 janvier 1896 jusqu'à sa mort. Nous ne savons pas s'il a été le premier à utiliser cette croix et/ou si elle a été faite pour lui, mais nous pouvons dire qu'elle est donc en usage par les Vicaire apostolique du Cambodge depuis au moins 1896.

 

Pour en savoir plus sur Mgr Grosgeorge, vous pouvez lire sa notice biographique sur le site de l'I.R.F.A. (Institut de Recherche France Asie) en cliquant ici.

 

Mémorial des Martyrs à Taing Kok


Copie de la croix réalisée en Thaïlande