Le BPAC (Bureau pour la promotion de l’apostolat parmi les Cambodgiens)

Cet article a été initialement publié sur le site des Missions Étrangères de Paris le 18 mars 2010.

 

Le 14 avril 1975, le Père Joseph Chhmar Salas était ordonné évêque coadjuteur de Mgr Yves Ramousse, Vicaire apostolique de Phnom Penh depuis 1963. Le 18 avril, soit le lendemain de la prise du pouvoir par les Khmers rouges, le nouvel évêque, premier évêque khmer, partait avec son peuple participer aux travaux collectifs imposés par les Khmers rouges. Avec les trois autres prêtres cambodgiens déportés dans le même secteur, il eut à coeur de nouer des liens avec les autres chrétiens malgré les risques et les difficultés que l’on sait. Son zèle pastoral le poussa à entrer dans les « troupes mobiles de secteur », (équipes de travail), afin de rencontrer les chrétiens, puisque ces troupes de travailleurs se déplaçaient continuellement de chantier en chantier. Il en est mort d’épuisement (1).

 

En 1979, quand la disparition de Mgr Salas et de tous les responsables de l’Eglise du Cambodge fut connue en Occident, le Saint-Siège chercha le moyen le plus approprié pour redonner des structures à cette Eglise. La majorité des chrétiens demeuraient au Cambodge même, d’autres dans les camps de réfugiés; d’autres encore s’étaient installés dans des pays d’accueil. Le 6 janvier 1983, « afin de manifester l’intérêt et la sollicitude de l’Eglise en faveur des populations cambodgiennes, et pour éviter que ne vienne à manquer parmi elles le travail d’évangélisation », la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, « après avoir entendu les Conférences épiscopales des pays les plus directement intéressés, a décidé de créer un Bureau pour la promotion de l’Apostolat parmi les Cambodgiens (BPAC) » (2). Le Saint-Siège confia la responsabilité de ce « Bureau » (« Officium ») à Mgr Yves Ramousse, ancien vicaire apostolique de Phnom Penh ainsi qu’à Mgr André Lesouëf, préfet apostolique de Kompong Cham, nommé son « assistant » par la lettre de la Congrégation en date du 7 février 1985.

 

Des responsabilités à l’intérieur comme à l’extérieur du pays

Le BPAC a reçu du Saint-Siège la responsabilité de l’Eglise du Cambodge: « La compétence de ce bureau s’étend à toute la population cambodgienne, soit, à celle demeurée dans le pays comme à celle qui a trouvé refuge à l’extérieur » (3). Au Cambodge, « le responsable du Bureau et son assistant jouissent de la plus ample juridiction, avec la faculté de déléguer et de sub-déléguer pour la totalité du territoire cambodgien » (4). En l’absence de Mgr Ramousse, le P. Emile Destombes a été nommé « vicaire délégué », avec mission de coordonner toute action concernant les chrétiens du Cambodge.

 

L’Eglise du Cambodge est plus que quadri-centenaire, des chrétiens khmers, même peu nombreux, ont été les témoins de la foi durant les deux dernières décennies et ils sont l’Eglise au Cambodge. Tirant les leçons de son histoire douloureuse, cette Eglise, devenue largement étrangère au peuple khmer durant le dernier siècle, voudrait éviter que ne soient commises à nouveau les erreurs du passé. A son service, le BPAC invite donc tout le personnel d’Eglise à investir dans l’apprentissage de la langue khmère, comme condition préalable à tout travail pastoral. Il recommande aux chrétiens étrangers, même s’ils forment des communautés assez nombreuses, de célébrer leur foi dans la langue du pays d’accueil.

 

« Dans le développement de ses fonctions, le BPAC s’aidera, avant tout, de la collaboration de la Société des Missions Etrangères de Paris qui, dèjà dans le passé, s’est engagée dans l’évangélisation du peuple cambodgien. Mais il fera aussi appel aux autres instituts religieux éventuellement disposés à prêter leur collaboration » (5). Outre les prêtres des Missions Etrangères de Paris, le BPAC comprend un prêtre du diocèse de Chambéry, une religieuse de Notre-Dame du Rosaire, dans l’Isère; deux prêtres jésuites ont demandé à travailler en son sein. Le BPAC regroupe tous les agents pastoraux qui acceptent de travailler en relation avec son responsable.

 

Collaboration avec d’autres organismes

« Le Bureau présentera les besoins pastoraux et humains des Cambodgiens aux organismes ecclésiaux et d’assistance et, en l’occurrence, les assistera dans leur action en faveur des populations cambodgiennes partout où elles se trouvent » (6).

 

C’est ainsi que depuis sa fondation, la BPAC a eu à coeur de s’associer « aux initiatives d’organismes internationaux d’entraide », comme le signale une lettre du cardinal Tomko, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, du mois de mars 1988. En février 1990, à l’initiative du BPAC, la « Caritas Internationalis » a décidé de lancer plusieurs projets de développement au Cambodge. Le Père Emile Destombes en est la cheville ouvrière. En avril 1990, à l’initiative du BPAC, de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, et de Cor Unum, deux journées d’études rassemblaient à Rome les représentants des divers organismes caritatifs d’Eglise ou instituts religieux travaillant actuellement au Cambodge: la CIDSE (Coopération internationale pour le développement et la solidarité), le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) et Trocaire (équivalent, pour l’Eglise d’Irlande, du CCFD français), l’ACR (Australian Catholic Relief), le JRS (Service des jésuite pour les réfugiés), la Société des Missions Etrangères de Maryknoll, la Société des Missions Etrangères de Paris, la Congrégation des soeurs de la Providence de Portieux.

 

Dans le respect de la vocation propre de chaque organisme, le BPAC a le souci de rappeler les orientations pastorales de l’Eglise du Cambodge: attention prioritaire accordée au peuple cambodgien dans le respect de sa culture, priorité aux petits projets à l’échelle de l’Eglise du pays, volonté de travailler à la promotion de la dignité et de la libération de l’homme dans toutes ses dimensions…

 

Travail pastoral

Dans les camps de réfugiés de Thaïlande, où vivent encore plus de 300 000 Cambodgiens, le BPAC assure le travail pastoral auprès des Khmers. Ses membres travaillent au sein du COERR (Catholic Office for Emergency Relief and Refugees).

 

Au Cambodge comme parmi les réfugiés, l’action du BPAC vise à créer des communautés de foi qui réfléchissent ensemble et prennent en main leur destin, dans une perspective de retour dans leur patrie. Ces communautés sont organisées autour de trois comités: l’un est chargé de la transmission de la foi, un autre se charge plus particulièrement de célébrer cette foi en organisant les liturgies. Un troisième a la responsabilité de susciter la charité de la communauté à l’égard des plus pauvres. Les membres de ces comités sont élus pour un temps donné. Après un an d’existence, chaque comité a rédigé une charte qui précise les fondements évangéliques de son action et lui donne quelques repères pour ses activités. Le BPAC invite les chrétiens khmers à inculturer leur foi, à créer des rituels appropriés pour les différentes cérémonies, à chercher des gestes et attitudes de prière conformes aux traditions cambodgiennes.

 

Actuellement, le BPAC mène un effort de formation des catéchistes dans les camps de Thaïlande avec le concours d’une catéchiste professionnelle venue de France. Près de 800 Cambodgiens ont commencé une démarche catéchuménale: c’est un appel pour le BPAC qui se doit de proposer une formation organisée et adaptée prenant en compte l’univers religieux bouddhique et animiste des caréchumènes.

 

Dans la diaspora

Dans la diaspora, le BPAC a reçu mission « de coordonner et promouvoir l’apostolat auprès des Cambodgiens, partout où ils se trouvent, en accord avec les Ordinaires des diocèses, et en étroite collaboration avec les agents de la pastorale auprès des Cambodgiens » (7). Conformément à cette mission, les membres du BPAC ont rendu régulièrement visite à la plupart des communautés cambodgiennes répandues dans plus de 16 pays, afin de favoriser leur insertion dans les Eglises locales. Au Canada, en France et en Australie, le BPAC anime des sessions de formation organisées par les agents pastoraux du pays à l’intention des responsables catholiques cambodgiens. Il aide également les épiscopats, directements responsables de l’apostolat auprès des Khmers, à respecter « leur identité, leur culture, leurs traditions et leurs caractéristiques » (8). C’est avec cet objectif que le BPAC consacre une partie de ses énergies à l’information sur la culture, la religion, l’histoire du peuple et de l’Eglise du Cambodge.

 

Transmettre la foi en khmer

Depuis sa création, le BPAC a forgé des instruments de transmission de la foi chrétienne: on lui doit une traduction intégrale du Nouveau Testament éditée par ses soins; à son initiative, une traduction oecuménique du Nouveau Testament est en voie

 

d’achèvement. Tous les missels et lectionnaires liturgiques ont été publiés en khmer pour le Cambodge ou les camps, ou en éditions bilingues pour les Cambodgiens de la diaspora. Des livres de catéchèse adaptée sont en chantier.Une revue trimestrielle en langue khmère permet de faire le lien entre les diverses communautés dispersées à travers le monde et les chrétiens du Cambodge.

 

Susciter des vocations religieuses et sacerdotales

Le but de toute action missionnaire est de fonder l’Eglise, avec « des diacres, des prêtres et des évêques issus de son sein » . C’est pourquoi le BPAC porte un soin particulier aux « vocations ecclésiastiques et religieuses » et apporte « son concours dans le discernement de ces vocations » (9). A la demande de Mgr Ramousse, le P. Bernard Dupraz est chargé

 

plus particulièrement de susciter et de suivre ces vocations. Deux hommes adultes sont déjà proches du sacerdoce: l’un se forme au Canada, un autre dans les camps de Thaïlande. D’autres candidats plus jeunes, tant dans les camps que dans la diaspora, commencent une démarche vers un ministère futur. Le BPAC a le souci de leur proposer une formation appropriée à la situation pastorale de l’Eglise du Cambodge, et orientée vers la constitution d’un presbyterium diocésain cambodgien. Le BPAC reste aussi attentif aux vocations religieuses notamment dans les camps de Thaïlande.

 

 

Reconstruire une Eglise en grande partie détruite est oeuvre ardue mais passionnante. C’est la mission que la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a confiée à Mgr Ramousse et au BPAC. L’entreprise exige la coordination de tous les chrétiens qui travaillent au service du peuple khmer.