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#016 Lundi matin 7/01/2019

Nous voilà donc entrés dans cette nouvelle année 2019 ! Quand je repense à tout le battage qui avait été fait pour le passage à l'an 2000 ! C'est tellement loin maintenant !

 

Pour moi, comme je l'écrivais dans mon précédent message, le changement d'année s'est fait à Sihanoukville, sur la côte cambodgienne, au bord du golfe de Thaïlande, alors que j'y ai pris une semaine de repos... enfin, pas seulement de repos ! Je vais revenir un peu sur ces jours passés à Sihanoukville et les environs, pour compléter ce que j'ai pu déjà dire trop rapidement.

 

J'ai donc eu en effet la joie de pouvoir suivre le P. Son, curé de la paroisse, dans différents déplacements pour aller célébrer Noël avec lui et les communautés chrétiennes locales dont il a la charge. En superficie, le secteur pastoral qu'il anime est le plus grand du diocèse de Phnom Penh. C'est donc dans les communautés chrétiennes de Boeng Ta Prom (que je connaissais déjà un peu pour l'avoir visitée en 2017), de Koh Kong et de Srè Ambel que j'ai pu célébrer Noël et rencontrer un peu les paroissiens.

 

Célébrations de Noël

J'ai ainsi pu me rendre compte que pour de nombreux prêtres ici, l'Octave de la Nativité est souvent un marathon de célébration et, pour ceux qui ont en charge des secteurs ruraux, un marathon de kilomètres en voiture, mini-bus, moto ! En effet, si généralement la célébration de la Veillée de Noël se déroule dans le lieu central du secteur pastoral, les jours qui suivent sont consacrés à aller célébrer la Nativité dans les autres lieux de cultes qui sont rejoint plus ou moins régulièrement. Dans les villages, le lieu de culte est souvent associé à une école maternelle, comme à Boeng Ta Prom ou à Srè Ambel. La messe de Noël est parfois précédée ou suivie par un spectacle, ou une soirée, avec un mélange de danses traditionnelles, de jeux, de chants, et parfois une tombola ! C'est l'occasion aussi d'inviter largement, et pendant ces fêtes, il peut arriver que la majorité des participants ne soient pas chrétiens. C'est alors un lieu d'évangélisation, car le spectacle présente souvent sous forme théâtrale l'histoire de la Nativité (le texte d'une pièce a été rédigé et diffusé à toutes les paroisses, qui peuvent ainsi s'en saisir pour faire leur propre mise en scène, en fonction des ressources locales).

 

À Boeng Ta Prom, par exemple, nous avons célébré la messe de la Nativité dans le petit oratoire (une pièce de l'école) avec la petite vingtaine de chrétiens et catéchumènes du village (avec aussi deux premières communions et un baptême de bébé !), puis la veillée s'est poursuivie dans le champ où se trouve l'école, avec pour l'occasion l'installation d'une scène et la location d'une sono (indispensable, à fond et avec beaucoup de saturation et d'écho !). Devant la scène, il y avait peut-être 300 personnes du village et des hameaux environnants, qui ont ainsi découvert l'histoire de la naissance de Jésus, de l'Annonciation jusqu'à la Nativité, avec Marie, Joseph, les anges, les bergers, les mages, le méchant Hérode... Dans tout le diocèse, l’Église est particulièrement attentive à promouvoir l'expression artistique chez les jeunes, avec notamment des groupes de danse traditionnelle dans de très nombreuses paroisses.

 

Repos à Sihanoukville, une ville qui elle ne se repose pas !

Les jours qui suivirent, jusqu'au 3 janvier, furent essentiellement consacrés au "far niente" ! Occasion de me reposer sur la plage, en lisant deux bouquins : "Sagesse d'un pauvre", d'Eloi Leclerc, que je relis régulièrement depuis la première fois que je l'ai lu, à Sihanoukville, en 1999, et un livre sur les apparitions de Fatima (car j'avoue que je n'étais pas bien au clair sur la question !).

 

La ville de Sihanoukville, qui reste un lieu très fort dans mon parcours personnel vers la prêtrise, est en plein bouleversement en raison des nombreux et anarchiques investissements immobiliers chinois qui transforme peu à peu le paysage. Aujourd'hui, la moitié des habitants de la ville sont Chinois... et la bétonisation du littorale se poursuit de façon accélérée... Face à ce qui semble à beaucoup comme une folie, il reste encore quelques plages tranquilles et préservées, que personnellement je privilégie ! Généralement, je choisi un petit restaurant de plage, je me pose en fin de matinée et je reste sur place jusqu'en fin d'après-midi, alternant entre lecture, baignade, repas...

 

En repensant au Sihanoukville que j'ai connu en 1998 et ce qu'est la ville aujourd'hui, je ne peux m'empêcher d'être nostalgique, mais je repense en même temps au développement que les côtes françaises ont connu au XXe siècle (par exemple la côte vendéenne)... ou comment des territoires anciennement occupés par des petits villages de pêcheurs sont aujourd'hui des stations balnéaires où des dizaines de milliers de touristes viennent chaque année...

 

Au-delà de la transformation d'espaces naturelles en espaces urbanisés, les grosses questions qui se posent ici, et qui n'ont pas encore trouvé de réponses satisfaisantes, sont la gestion des déchets (ordures et eaux usées, dont une bonne partie fini directement dans la mer), la fourniture d'eau courante et d'électricité. La corruption qui est très présente (le Cambodge est un des pays ayant l'administration la plus corrompue au monde) fait que si vous avez de l'argent, vous pouvez faire à peu près n'importe quoi n'importe où, sans aucun respect de la réglementation (quand elle existe). Par exemple, les ONG pointent régulièrement du doigt l'exploitation honteuse de certaines forêts, qui se trouvent pourtant dans des parcs nationaux théoriquement protégés. Le Cambodge et ses dirigeants doivent prendre conscience que la protection de l'environnement est indispensable pour le développement du pays, car ce pays est magnifique, mais sa beauté est dans certains endroits gravement blessée par la présence massive de décharges sauvages. Si le tourisme est un axe important du développement économique du pays (et il a pour cela des atouts certains), cela doit aller de paire avec une protection et une valorisation de l'environnement et de la nature.

 

Épiphanie

Hier après-midi, Mgr Olivier Schmitthaeusler nous avait invités à le rejoindre au centre pastoral de Phnom Penh Thmey (qui est de facto la maison diocésaine et la cathédrale) pour la traditionnelle célébration des vœux. Étaient conviés les salariés et bénévoles du diocèse, laïcs, prêtres et consacrés. Après un retour en images sur l'année écoulée et une réflexion sur les grandes orientations de l'année qui s'ouvre, nous avons eu droit à une représentation de danse et théâtre traditionnels khmers, récemment entré au Patrimoine mondial de l'UNESCO, par des jeunes de la section des arts du spectacle du lycée St François. Les prêtres présents ont ensuite entonné "Douce Nuit", chanté successivement en khmer, espagnol, italien, français, anglais, thaïlandais, vietnamien, coréen... en fonction de la provenance des missionnaires présents dans le diocèse ! On m'a dit que dans la salle, il y avait presque 50 nationalités différentes de représentées ! Je n'ai pas pu vérifier ! Le tout s'est terminé par un repas, lui-même conclu par la dégustation d'une galette des rois à la frangipane... tradition française visiblement appréciée par tous les convives ! Quelques images ci-dessous !