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Pape François | Voeux à la Curie romaine

PRÉSENTATION DES VŒUX DE NOËL
DE LA CURIE ROMAINE

DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

 

Salle Clémentine

Vendredi 21 décembre 2018

 

«La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière» (Rm 13, 12)

 

 

Chers frères et sœurs,

 

enveloppés de la joie et de l’espérance qui resplendissent du visage du divin Enfant, nous nous rencontrons cette année encore pour l’échange des vœux de Noël en portant dans le cœur toutes les peines et les joies du monde et de l’Eglise.

 

Je vous souhaite de tout cœur un saint Noël, ainsi qu’à vos collaborateurs, à toutes les personnes qui assurent un service à la Curie, aux Représentants pontificaux et aux collaborateurs des Nonciatures. Et je désire vous remercier pour votre dévouement quotidien au service du Saint-Siège, de l’Eglise et du Successeur de Pierre. Merci beaucoup !

 

Permettez-moi aussi de souhaiter une chaleureuse bienvenue au nouveau Substitut de la Secrétairerie d’Etat, S.E. Mons. Edgar Peña Parra, qui a commencé son délicat et important service le 15 octobre dernier. Son origine vénézuélienne reflète la catholicité de l’Eglise et la nécessité d’ouvrir toujours davantage les horizons jusqu’aux extrémités de la terre. Bienvenue, chère Excellence et bon travail !

 

Noël est la fête qui nous remplit de joie et qui nous donne la certitude qu’aucun péché ne sera jamais plus grand que la miséricorde de Dieu, et qu’aucun acte humain ne pourra jamais empêcher l’aube de la lumière divine de naître et de renaître dans les cœurs des hommes. C’est la fête qui nous invite à renouveler l’engagement évangélique d’annoncer le Christ, Sauveur du monde et lumière de l’univers. Si, en effet, « le Christ, “saint, innocent, sans tache” (He 7, 26) ignore le péché (cf. 2Co 5, 21), venant seulement expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17), l’Église, qui comprend en son sein des pécheurs, et donc est à la fois sainte et immaculée et toujours appelée à se purifier, avance continuellement sur le chemin de la pénitence et du renouvellement. L’Église « avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu – parmi les persécutions de la part de l’esprit du monde et les consolations de l’Esprit de Dieu –, annonçant la croix et la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (cf. 1 Co 11, 26). La vertu du Seigneur ressuscité est sa force pour lui permettre de vaincre dans la patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, finalement, il éclatera dans la pleine lumière » (Conc. œcum. Vat. II, Const.dogm. Lumen gentium, n. 8).

 

Prenant donc appui sur la ferme conviction que la lumière est toujours plus forte que les ténèbres, je voudrais réfléchir avec vous sur la lumière qui relie Noël – c’est-à-dire la première venue dans l’humilité – à la Parousie – la seconde venue dans la gloire – et nous confirme dans l’espérance qui ne déçoit jamais. Cette espérance dont dépend la vie de chacun de nous et toute l’histoire de l’Eglise et du monde. Une Église sans espérance serait laide !

 

Jésus, en réalité, naît dans une situation sociopolitique et religieuse pleine de tensions, d’agitations et d’obscurité. Sa naissance, attendue d’un côté et refusée de l’autre, récapitule la logique divine qui ne s’arrête pas devant le mal, mais le transforme au contraire radicalement et progressivement en bien, et également la logique démoniaque qui transforme même le bien en mal, pour conduire l’humanité à rester dans le désespoir et dans les ténèbres : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jn 1, 5).

 

Mais, chaque année, Noël nous rappelle que le salut de Dieu, donné gratuitement à toute l’humanité, à l’Eglise, et à nous en particulier, personnes consacrées, n’agit pas sans notre volonté, sans notre coopération, sans notre liberté, sans notre effort quotidien. Le salut est un don, c’est vrai, mais un don qui doit être accueilli, gardé et qu’il faut faire fructifier (cf. Mt 25, 14-30). Le fait d’être chrétien en général, et pour nous en particulier, le fait d’être des oints, des consacrés du Seigneur, ne veut pas dire nous comporter comme un cercle de privilégiés qui croient avoir Dieu dans la poche, mais comme des personnes qui savent qu’elles sont aimées par le Seigneur bien que pécheresses et indignes. Les personnes consacrées, en effet, ne sont rien d’autre que des serviteurs dans la vigne du Seigneur qui doivent donner, en temps voulu, la récolte et le produit de la vigne (cf. Mt 20, 1-16).

 

La Bible et l’histoire de l’Eglise nous donnent la démonstration que, souvent, même les élus, chemin faisant, commencent à penser, à croire et à se comporter comme les maîtres du salut et non comme des bénéficiaires, comme des contrôleurs des mystères de Dieu et non comme d’humbles distributeurs, comme des douaniers de Dieu, et non comme des serviteurs du troupeau qui leur est confié.

 

Souvent – par zèle excessif et mal orienté – au lieu de suivre Dieu on se met devant lui, comme Pierre qui a critiqué le Maître et a mérité le reproche le plus dur que le Christ n’ait jamais adressé à une personne : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mc 8, 33).

 

Chers frères et sœurs,

 

Dans le monde agité, cette année la barque de l’Eglise a connu et connaît des moments difficiles, et elle a été assaillie par les tempêtes et les ouragans. Beaucoup en sont venus à demander au Maître, qui semblait dormir : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (Mc, 4, 38). D’autres, impressionnés par les nouvelles, ont commencé à perdre confiance en elle et à l’abandonner ; d’autres, par peur, par intérêt, avec des arrières pensées, ont cherché à meurtrir son corps augmentant ses blessures ; d’autres ne cachent pas leur satisfaction de la voir ébranlée ; mais très nombreux sont ceux qui continuent à s’accrocher avec la certitude que « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16, 18).

 

Pendant ce temps, l’Epouse du Christ continue son pèlerinage au milieu des joies et des peines, des succès et des difficultés, à l’extérieur comme à l’intérieur. Certainement les difficultés de l’intérieur restent toujours les plus douloureuses et les plus destructrices.

 

Les peines

 

Les peines sont nombreuses. Que de migrants – contraints d’abandonner leur patrie et de risquer leur vie – trouvent la mort, ou que de migrants survivent mais trouvent les portes closes et leurs frères en humanité occupés aux conquêtes politiques et de pouvoir. Que de peur et de préjudice ! Que de personnes et que d’enfants meurent chaque jour par manque d’eau, de nourriture et de médicaments ! Que de pauvreté et de misère ! Que de violence contre les faibles et contre les femmes ! Que de scènes de guerres déclarées et non déclarées ! Que de sang innocent est versé chaque jour ! Que d’inhumanité et de brutalité nous entourent de toute part ! Que de personnes sont systématiquement torturées, encore aujourd’hui, dans les postes de police, dans les prisons et dans les camps de réfugiés en divers parties du monde.

 

En réalité, nous vivons aussi une nouvelle époque de martyrs. La cruelle et atroce persécution de l’empire romain semble ne pas connaître de fin. De nouveaux Néron naissent sans cesse pour opprimer les croyants, uniquement en raison de leur foi au Christ. De nouveaux groupes extrémistes se multiplient prenant pour cible les églises, les lieux de culte, les ministres et les simples fidèles. De nouveaux et anciens cercles et cliques vivent en se nourrissant de haine et d’hostilité envers le Christ, l’Eglise et les croyants. Que de chrétiens vivent encore aujourd’hui sous le poids de la persécution, de la marginalisation, de la discrimination et de l’injustice en tant de parties du monde ! Ils continuent, cependant, courageusement, à embrasser la mort pour ne pas nier le Christ. Combien il est difficile, encore aujourd’hui, de vivre librement sa foi en tant de parties du monde où manquent la liberté religieuse et la liberté de conscience !

 

Par ailleurs, l’exemple héroïque des martyrs et des très nombreux bons samaritains, c’est-à-dire des jeunes, des familles, des mouvements caritatifs et de volontaires, et de tant de fidèles et de personnes consacrées ne nous fait pas oublier cependant le contre témoignage et les scandales de certains enfants et ministres de l’Eglise.

 

Je me limite ici seulement aux deux fléaux des abus et de l’infidélité.

 

L’Eglise, depuis plusieurs années, œuvre sérieusement pour déraciner le mal des abus qui crie vengeance au Seigneur, au Dieu qui n’oublie pas la souffrance vécue par de nombreux mineurs à cause de clercs et de personnes consacrées : abus de pouvoir, de conscience et sexuels.

 

En pensant à ce sujet douloureux, m’est venue à l’esprit la figure du roi David – un « oint du Seigneur » (cf. 1Sm 16, 13 – 2Sm 11-12). Lui, dont la descendance a engendré l’Enfant divin – appelé aussi “fils de David” –, bien qu’il fût l’élu, le roi et l’oint du Seigneur, a commis un triple péché, c’est à dire en même temps trois graves abus : abus sexuel, de pouvoir et de conscience. Trois abus distincts, mais qui convergent et se superposent.

 

L’histoire commence, comme nous le savons, quand le roi, bien qu’expert militaire, reste chez lui à ne rien faire au lieu d’aller à la bataille avec le peuple de Dieu. David profite, pour son confort et pour son intérêt, du fait d’être roi (abus de pouvoir). L’oint s’abandonnant à la facilité, commence son irrésistible régression morale et de conscience. Et c’est justement dans ce contexte que, de la terrasse du palais, il voit Bethsabée, la femme d’Urie le Hittite, alors qu’elle prend son bain, et qu’il se sent attiré par elle (cf. 2Sm 11). Il la fait appeler et s’unit à elle (autre abus de pouvoir, plus un abus sexuel). Il abuse ainsi d’une femme mariée et seule et, pour couvrir son péché, il rappelle Urie à la maison, et cherche en vain à le convaincre à passer la nuit avec sa femme. Et ensuite il ordonne au chef de l’armée d’exposer Urie à une mort certaine dans la bataille (autre abus de pouvoir, plus un abus de conscience). La chaîne du péché grandit comme une tache d’huile et devient rapidement un réseau de corruption. Lui, il est resté à la maison à paresser.

 

A partir des étincelles de la paresse et de la luxure, et du fait de “baisser la garde”, l’enchaînement diabolique des péchés graves commence : adultère, mensonge et homicide. Prétendant, étant roi, pouvoir tout faire et tout obtenir, David cherche à tromper aussi le mari de Bethsabée, les gens, lui-même et même Dieu. Le roi néglige sa relation avec Dieu, il transgresse les commandements divins, il porte atteinte à sa propre intégrité morale sans même se sentir en faute. L’oint continue à exercer sa mission comme si de rien n’était. La seule chose qui lui importait était de sauvegarder son image et son apparence. « Parce que ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et se corrompre » (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 164). De pécheurs ils finissent par devenir corrompus.

 

Aujourd’hui aussi, il y a beaucoup d’“oints du Seigneur”, hommes consacrés, qui abusent des faibles en profitant de leur pouvoir moral et de persuasion. Ils commettent des abominations et continuent à exercer leur ministère comme si de rien n’était ; ils ne craignent pas Dieu ni son jugement mais craignent seulement d’être découverts et démasqués. Ministres qui lacèrent le corps de l’Eglise, causant des scandales et discréditant la mission salvifique de l’Eglise et les sacrifices de tant de leurs confrères.

 

Aujourd’hui aussi, chers frères et sœurs, beaucoup de David, sans un battement de paupière, entrent dans le réseau de corruption, trahissent Dieu, ses commandements, leur propre vocation, l’Eglise, le peuple de Dieu et la confiance des petits et de leurs proches. Souvent, derrière leur gentillesse démesurée, leur travail impeccable, leur visage angélique, ils cachent sans vergogne un loup terrible prêt à dévorer les âmes innocentes.

 

Les péchés et les crimes des personnes consacrées se colorent de teintes encore plus sombres d’infidélité, de honte, et ils déforment le visage de l’Eglise en minant sa crédibilité. En effet, l’Eglise, ainsi que ses enfants fidèles, est aussi victime de ces infidélités et de ces véritables “délits de détournement”.

 

Chers frères et sœurs,

 

Il doit être clair que face à ces abominations l’Eglise ne se ménagera pas pour faire tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la justice quiconque aura commis de tels délits. L’Eglise ne cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas. Il est indéniable que certains responsables, par le passé, par légèreté, par incrédulité, par impréparation, par inexpérience – nous devons juger le passé avec l’herméneutique du passé - ou par superficialité spirituelle et humaine, ont traité de nombreux cas sans le sérieux et la rapidité requis. Cela ne doit plus jamais se produire. C’est le choix et la décision de toute l’Eglise.

 

En février prochain l’Eglise rappellera sa ferme volonté de persévérer, de toutes ses forces, sur la route de la purification. L’Eglise s’interrogera, en recourant aussi à des experts, sur comment protéger les enfants, comment éviter de telles catastrophes, comment soigner et réintégrer les victimes, comment renforcer la formation dans les séminaires. On cherchera à transformer les erreurs commises en opportunité pour éliminer ce fléau non seulement du corps de l’Eglise mais aussi de la société. En effet, si cette très grave calamité est parvenue à toucher certains ministres consacrés, on se demande dans quelle mesure elle est profonde dans nos sociétés et dans nos familles ? L’Eglise ne se limitera donc pas à se soigner mais cherchera à affronter ce mal qui cause la mort lente de tant de personnes au niveau moral, psychologique et humain.

 

Chers frères et sœurs,

 

en parlant de cette plaie, d’aucuns, dans l’Église, s’acharnent contre certains professionnels de la communication, en les accusant d’ignorer la majeure partie des cas d’abus qui ne sont pas commis par des membres du clergé de l’Église – les statistiques parlent de 95% -, et en les accusant de vouloir en donner exprès une fausse image, comme si ce mal ne touchait que l’Église catholique. Je voudrais plutôt remercier vivement les professionnels des media qui ont été honnêtes et objectifs et qui ont cherché à démasquer ces loups et à donner la parole aux victimes. Même s’il s’agissait d’un seul cas d’abus – qui représente déjà en soi une monstruosité – l’Église demanderait de ne pas le taire et de le porter objectivement à la lumière, car le plus grand scandale en cette matière, c’est de couvrir la vérité.

 

Souvenons-nous tous que c’est grâce à la rencontre avec le prophète Nathan que David comprend la gravité de son péché. Nous avons besoin aujourd’hui de nouveaux Nathan qui aident les nombreux David à se réveiller d’une vie hypocrite et perverse. S’il vous plaît, aidons la Sainte Mère Église dans sa tâche difficile, à savoir celle de reconnaître les cas vrais, en les distinguant des faux, les accusations des calomnies, les rancœurs des insinuations, les rumeurs des diffamations. C’est une tâche assez difficile dans la mesure où les vrais coupables savent se cacher soigneusement au point que beaucoup de femmes, de mères et de sœurs n’arrivent pas à les découvrir chez les personnes les plus proches : maris, parrains, grands-parents, oncles, frères, voisins, enseignants… Même les victimes, bien choisies par leurs prédateurs, préfèrent souvent le silence et même, en proie à la peur, sont subjugués par la honte et par la terreur d’être abandonnées.

 

Et à ceux qui abusent des mineurs, je voudrais dire : convertissez-vous et remettez-vous à la justice humaine et préparez-vous à la justice divine, vous souvenant des paroles du Christ : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en une pleine mer. Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’arrivent les scandales : cependant, malheureux celui par qui le scandale arrive » (Mt 18, 6-7).

 

Chers frères et sœurs,

 

à présent, permettez-moi de parler aussi d’une autre affliction, à savoir celle de l’infidélité de ceux qui trahissent leur vocation, leur serment, leur mission leur consécration à Dieu et à l’Église ; ceux qui se cachent derrière de bonnes intentions pour poignarder leurs frères et semer l’ivraie, la division et le désarroi ; des personnes qui trouvent toujours des justifications, même logiques, voire spirituelles, pour continuer à parcourir en toute tranquillité la route de la perdition.

 

Et ce n’est pas une nouveauté dans l’histoire de l’Église, saint Augustin, en parlant du bon grain et de l’ivraie, affirme : «Croyez-vous, mes frères, que l'ivraie ne s'élève pas jusqu'au niveau des évêques ? Croyez-vous qu'il n'y en ait qu'en bas et point en haut ? Plaise à Dieu que nous n'en soyons pas nous-même ! […] Il y a dans les rangs des évêques du froment et de l'ivraie, du froment aussi et de l'ivraie parmi le peuple.» (Sermo 73, 4 : PL 38, 472).

 

Ces paroles de saint Augustin nous exhortent à nous rappeler le proverbe : « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions » ; et elles nous aident à comprendre que le Tentateur, le Grand Accusateur, c’est celui qui divise, sème la discorde, insinue l’inimitié et persuade les enfants, les conduisant à douter.

 

En réalité, en réalité derrière ces semeurs de zizanie se trouvent presque toujours les trente pièces d’argent. Voici donc que la figure de David nous conduit à celle de Judas Iscariote, un autre élu du Seigneur qui vend et livre à la mort son maître. David pécheur et Judas Iscariote seront toujours présents dans l’Église, dans la mesure où ils représentent la faiblesse, qui fait partie de notre condition humaine. Ils sont des icônes des péchés et des crimes commis par des personnes élues et consacrées. Unis dans la gravité du péché, ils se distinguent toutefois dans la conversion. David s’est repenti en se confiant à la miséricorde de Dieu, tandis que Judas s’est suicidé.

 

Donc, nous tous – pour faire resplendir la lumière du Christ – nous devons combattre toute corruption spirituelle, qui « est pire que la chute d’un pécheur, car il s’agit d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite : la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité, puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2Co 11, 14). C’est ainsi que Salomon a fini ses jours, alors que le grand pécheur David sut se relever de sa misère » (Exhort. ap. Gaudete et exultate, n. 165).

 

Les joies

 

Passons aux joies ! Elles ont été nombreuses cette année, par exemple, la bonne réussite du Synode consacré aux jeunes, dont parlait le Cardinal Doyen. Les progrès accomplis jusqu’ici dans la réforme de la Curie. Beaucoup se demandent : quand finira-t-elle ? Elle ne finira jamais, mais les progrès sont appréciables. Par exemple, les travaux d’éclaircissement et de transparence dans l’économie ; les efforts louables accomplis par le Bureau du Réviseur général et par l’Autorité d’Information Financière ; les bons résultats atteints par l’Institut des Œuvres de Religion ; la nouvelle Loi de l’État de la Cité du Vatican ; le Décret sur le travail au Vatican, et tant d’autres réalisations moins visibles. Souvenons-nous, parmi les joies, des nouveaux Bienheureux et Saints qui sont les ‘‘pierres précieuses’’ qui ornent le visage de l’Église et diffusent dans le monde l’espérance, la foi et la lumière. Il faut mentionner ici les dix-neuf martyrs d’Algérie : « Dix-neuf vies données pour le Christ, son Évangile et pour le peuple algérien… des modèles de sainteté ordinaire, la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’ » (Thomas Georgeon, L’Osservatore Romano, édition française, 27 novembre 2018, p. 8) ; le nombre élevé de fidèles qui chaque année, en recevant le baptême, renouvellent la jeunesse de l’Église, en tant que mère toujours féconde, et les très nombreux enfants qui reviennent à la maison et embrassent de nouveau la foi et la vie chrétienne ; les familles et les parents qui vivent sérieusement la foi et la transmettent chaque jour à leurs propres enfants à travers la joie de leur amour (cf. Exhort. ap. post-syn. Amoris Laetitia, nn. 259-290) ; le témoignage de nombreux jeunes qui choisissent courageusement la vie consacrée et le sacerdoce.

 

Un vrai motif de joie, c’est aussi le grand nombre de consacrés et de consacrées, d’évêques et de prêtres, qui vivent quotidiennement leur vocation dans la fidélité, dans le silence, dans la sainteté et dans l’abnégation. Ce sont des personnes qui éclairent les ténèbres de l’humanité, par leur témoignage de foi, d’amour et de charité. Des personnes qui travaillent patiemment, par amour du Christ et de son Évangile, en faveur des pauvres, des opprimés et des derniers, sans chercher à faire la une des journaux ou à occuper les premières places. Des personnes qui, en laissant tout et en offrant leur vie, portent la lumière de la foi là où le Christ est abandonné, a soif, a faim, est prisonnier et nu (cf. Mt 25, 31-46). Et je pense en particulier aux nombreux curés qui donnent chaque jour le bon exemple au peuple de Dieu, aux prêtres proches des familles, qui connaissent le nom de tous et vivent leur vie en toute simplicité, dans la foi, avec zèle, dans la sainteté et la charité. Des personnes oubliées par les mass media mais sans lesquelles règneraient les ténèbres.

 

Chers frères et sœurs,

 

en parlant de la lumière, des peines, de David et de Judas, j’ai voulu mettre en exergue la valeur de la prise de conscience, qu’on doit transformer en un devoir de vigilance et de veille de la part de ceux qui, dans les structures de la vie ecclésiastique et consacrée, exercent le service de gouvernement. En réalité, la force d’une institution, quelle qu’elle soit, ne réside pas dans le fait qu’elle est composée d’hommes parfaits (c’est impossible) mais dans sa volonté de se purifier continuellement ; dans sa capacité à reconnaître humblement ses erreurs et à les corriger ; dans sa capacité à se relever des chutes, à voir la lumière de Noël provenant de la mangeoire de Bethléem, qui traverse l’histoire et arrive jusqu’à la Parousie.

 

Il faut donc ouvrir notre cœur à la vraie lumière, Jésus Christ : la lumière qui peut éclairer la vie et transformer nos ténèbres en lumière ; la lumière du bien qui l’emporte sur le mal ; la lumière de l’amour qui surmonte la haine ; la lumière de la vie qui défait la mort ; la lumière divine qui transforme tout et tous en lumière ; la lumière de notre Dieu : pauvre et riche, miséricordieux et juste, présent et caché, petit et grand.

 

Souvenons-nous des belles paroles de saint Macaire le Grand, père du désert égyptien du 4ème siècle, qui en parlant de Noël affirme : « Dieu s’est fait petit ! L’inaccessible et l’incréé, dans sa bonté infinie et inimaginable, a pris un corps et s’est fait petit. Dans sa bonté, il est descendu de sa gloire. Personne, dans les cieux et sur la terre ne peut comprendre la grandeur de Dieu et personne, dans les cieux et sur la terre ne peut comprendre comment Dieu se fait pauvre et petit pour les pauvres et les petits. Comme est incompréhensible sa grandeur, de même l’est aussi sa petitesse » (cf. Homélie IV, 9-10 ; XXXII, 7 in : Spirito e fuoco. Omelie spirituali. Collezione II, Qiqajon-Bose, Magnano 1995, pp. 88-89.332-333).

 

Rappelons-nous que Noël est la fête du Dieu grand qui s’est fait petit et qui dans sa petitesse ne cesse pas d’être grand. Et dans cette dialectique, grand est petit : c’est la tendresse de Dieu. Ce mot que l’esprit du monde cherche toujours à éliminer du dictionnaire : tendresse. Le Dieu grand qui se fait petit, qui est grand et continue à se faire petit » (cf. Homélie à Sainte Marthe, 14 décembre 2017 ; cf. Homélie à Sainte Marthe, 25 avril 2013).

 

Noël nous offre chaque année la certitude que la lumière de Dieu continuera à briller malgré notre misère humaine ; la certitude que l’Église sortira de ces tribulations, encore plus belle et purifiée et splendide. Car, tous les péchés, les chutes et le mal commis par certains enfants de l’’Eglise ne pourront jamais altérer la beauté de son visage ; bien au contraire, ils donnent même la preuve certaine que sa force ne réside pas en nous mais se trouve surtout dans le Christ Jésus, Sauveur du monde et Lumière de l’univers, qui l’aime et a donné sa vie pour elle, son épouse. Noël prouve que les graves maux commis par certains ne pourront jamais ternir tout le bien que l’Église accompli gratuitement dans le monde. Noël garantit que la vraie force de l’Église et de notre travail quotidien, bien des fois caché – comme celui de la Curie, où il y des saints – réside dans l’Esprit Saint qui la guide et la protège à travers les siècles, en transformant même les péchés en occasions de pardon, les chutes en occasions de renouvellement, le mal en occasion de purification et de victoire.

 

Merci beaucoup et joyeux Noël à tous !

 

[Bénédiction]

 

Cette année également je voudrais vous laisser une pensée. C’est un classique : le Précis de théologie ascétique et mystique de Tanquerey, dans sa récente édition réalisée par Mgr Libanori, évêque auxiliaire de Rome, et par le Père Forlai, père spirituel du Séminaire de Rome. Je crois qu’il est bon. Ne pas le lire du début jusqu’à la fin, mais chercher dans la table des matières cette vertu, cette attitude, une chose déterminée… Cela nous sera profitable, pour la conversion de chacun d’entre nous et pour la réforme de l’Église. C’est pour vous !

 

 

 

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Discours du Pape François à la Curie romaine à l'occasion des voeux
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