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LesInrocks | Comment la culture cambodgienne s'est relevée, après la dictature des Khmers rouges

Article de Gaëlle Lebourg du 12/05/2018

 

Honorée et célébrée, la culture cambodgienne est à l'honneur du festival "Cambodge, d'hier à aujourd’hui", jusqu'au 27 mai dans le Grand Paris. Entre des spectacles, des projections, des expos, et des soirées musicales, l'excellente programmation révèle un pays qui a su se relever sans oublier, après la dictature des Khmers rouges.

 

Du 3 au 27 mai, le festival "Cambodge, d'hier à aujourd’hui" relève un pari audacieux, celui d'emmener les Franciliens en voyage dans les terres d'Asie du Sud-Est. Pendant un mois de célébrations artistiques, la culture cambodgienne y est honorée et ranimée. Alors que 90% des artistes cambodgiens ont été tués pendant le génocide des Khmers rouges, à la fin des années 1970, l'association Cambodian Living Arts (à l'initiative du festival), s'est donnée pour mission de faire revivre l'héritage artistique du pays, menacé de disparition.

 

Déjà produit à New York en 2013, "Cambodge, d'hier à aujourd’hui" présente avec éclectisme les talents contemporains du royaume, qu'ils soient photographes, danseurs, cinéastes ou chanteurs. Le festival ne manque pas non plus d'inviter les Cambodgiens de France, "une minorité visible invisible" selon le réalisateur Mathieu Pheung. À la croisée d'une double culture, des artistes de la deuxième génération franco-cambodgienne s'exprimeront sur leur quête identitaire, leur devoir de mémoire et leur soif de représentation.

 

La poésie après l'atrocité

Le 16 mai à 20h30, le spectacle Bangsokol, un requiem pour le Cambodge (complet) contera les temps du génocide et la résistance du peuple cambodgien. Conçu par deux survivants des Khmers rouges, le réalisateur Rithy Panh et le compositeur Him Sophy, Bangsokol loue le souvenir, la réconciliation et la paix, tout en prouvant que la poésie peut poindre après l'atrocité.

 

 

Sur un ton plus léger, le prestigieux Ballet royal du Cambodge présentera son nouveau spectacle, Métamorphoses, les 18 et 19 mai à la Philharmonie de Paris (complet), puis le 25 mai au casino d'Enghein. Fasciné par la grâce de ces danseuses, Rodin leur avait dédié de nombreuses aquarelles, qui prennent ici vie dans la création Métamorphoses. Inscrite sur la liste du patrimoine vivant de l'UNESCO, la danse classique khmère perpétue une tradition millénaire pratiquée dans les temples, devant la cour royale, puis ce mois-ci devant des Parisiens chanceux.

Une danseuse du Ballet royal du Cambodge © Thomy Keat
Une danseuse du Ballet royal du Cambodge © Thomy Keat

La deuxième génération des Cambodgiens de France à l'honneur

Le 13e arrondissement, qui comprend l'une des plus anciennes communautés asiatiques d'Europe, participera lui aussi aux festivités. Le 25 mai à 19h, il mettra la deuxième génération des Cambodgiens de France à l'honneur, lors d'une projection-débat (entrée libre sur réservation).

 

Le film de Mathieu Pheung Une minorité visible invisible sera diffusé dans la salle des fêtes de la mairie, avant un débat avec le documentariste, la réalisatrice Jenny Teng et la bloggeuse française d'origine chinoise Grace Ly. Quarante ans après l'arrivée des premiers réfugiés khmers dans l'Hexagone, les jeunes franco-cambodgiens cherchent aujourd'hui à trouver des passerelles entre leurs deux identités, à travers l'art et la création.

Phnom Penh, de nuit comme de jour

Pour les férus de photographie, la galerie Lee héberge jusqu'au 19 mai l'exposition In the city by night, du Khmer Sovan Philong. La nuit, dans la capitale cambodgienne, Phnom Penh, Philong a tiré le portrait des personnes qu'il croisait dans la rue, éclairées par le phare de sa moto. Dévoilant une population normalement invisible, ses photos percent l'obscurité et saisissent des scènes simples mais poignantes.

 

Avec l'exposition de Marion Gambin, Olympic Stadium, le festival s'attache aussi à montrer un autre visage de la capitale, cette fois-ci de jour. Affichés du 14 au 31 mai au studio-loft du Patio opéra, les clichés capturent des instants de la vie quotidienne, dans l'emblématique stade olympique de Phnom Penh. Construit en 1962 pour les Jeux Olympiques d'Asie, il est aujourd'hui menacé de destruction, face à l'expansion vertigineuse de la ville. Les habitants l'ont pourtant réinvesti, pour flâner, y faire des cours d'aérobic, nager dans la piscine adjacente ou tout simplement se retrouver.

Électro psychédélique et rock’n’roll khmer

Les amateurs de musique cambodgienne pourront quant à eux se déhancher sur la piste de danse du Musée Guimet, qui accueille dans ses locaux une soirée électro, le "Guimet [Mix]", le 26 mai de 20h à 23h (entrée libre sur réservation). Dorcelsius, un duo (Saphy Vong et Samuel Trifot) de musique électronique "aux résonnances psychédéliques" concoctera un mix spécialement pour l'occasion. La bande musicale croisera les influences cambodgiennes de Saphy Vong et celles de Samuel Trifot, grand baroudeur en Asie.

 

Le lendemain, la ville de Lognes, en Seine-et-Marne, rendra hommage à la musique vintage khmer, lors d'une rencontre sur "l'âge d'or du rock’n’roll cambodgien", de 17h à 18h (entrée libre), avec SO Savoeun, artiste populaire de l'époque. De 19h à 22h, Lognes, première ville asiatique de France accueillera aussi la soirée de clôture du festival (entrée : 10€). SO Savoeun y chantera en première partie, avant de passer le micro à DJ Oro, fondateur du Cambodian Vintage Archive Project,pour bouger au rythme des grands classiques cambodgiens des années 60.

 

Tout le programme est disponible ici, ou sur la page Facebook du festival.