· 

JDD | Peut-on encore empêcher le Cambodge de tirer un trait sur la démocratie ?

Par Antoine Malo

 

La pression internationale s'est accrue sur le Cambodge, appelé par les Etats-Unis et l'Union européenne à revenir sur sa décision d'interdire le principal parti d'opposition à quelques mois d'élections cruciales.

Le Premier ministre cambodgien Hun Sen. (Sipa)
Le Premier ministre cambodgien Hun Sen. (Sipa)

Un grand bond en arrière. C'est un peu le résumé de ce qui se passe aujourd'hui au Cambodge. Jeudi, la Cour suprême décidait de dissoudre le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), principale formation d'opposition. Parallèlement, plus d'une centaine de ses membres ont été interdits de vie politique pour cinq ans. Officiellement, ces mesures ont pour but d'empêcher le CNRP de fomenter une révolution avec le soutien actif des Etats-Unis. En réalité, elles sont le point d'orgue d'une série d'attaques menées contre l'opposition. En septembre, le leader du CNRP, Kem Sokha, était déjà incarcéré pour "trahison et espionnage".

De possibles sanctions commerciales ?

La décision de la Cour suprême intervient aussi et surtout avant les élections législatives de l'année prochaine et permet de faire place nette pour le Premier ministre, Hun Sen, ancien khmer rouge en poste depuis trente-deux ans, candidat à un nouveau mandat. Ce faisant, le Cambodge a-t-il fait une croix sur la démocratie? Est-il devenu un "pays à parti unique", comme l'affirme le Royaume-Uni? Un assouplissement est-il envisageable? Non, répondait jeudi, Brad Adams, de Human Rights Watch. "La démocratie est morte aujourd'hui] et il semble compliqué de la voir revivre tant que Hun Sen restera Premier ministre."

 

Pour faire pression, l'UE évoque de possibles sanctions commerciales. Washington a d'ores et déjà annoncé retirer son aide au financement de l'élection de 2018. Pour l'instant, cela n'a pas fait bouger le pouvoir cambodgien. Pis, les menaces américaines pourraient avoir l'effet inverse. Le lent glissement du Cambodge vers la dictature s'inscrit dans un cadre plus large de lutte d'influence entre Chine et Etats-Unis en Asie. Le régime de Phnom Penh est l'un des meilleurs alliés de Pékin en Asie du Sud-Est. Il sait que malgré les condamnations internationales, le grand frère chinois le soutient économiquement et politiquement. Il le fera d'autant plus que le Cambodge est l'un des pays qui barrent la route aux Américains dans la région. Depuis de longs mois et pour le plus grand plaisir de son voisin, Hun Sen multiplie ainsi les gestes anti-yankees : interdictions d'ONG, fermeture de radios, annulation de manœuvres militaires communes. Samedi encore, deux journalistes locaux ont été inculpés d'espionnage pour avoir transmis des informations à Radio Free Asia. Une station basée à Washington.