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Églises d'Asie | À l’occasion de Pchum Ben, ‘la fête des morts’, l’Eglise catholique commémore les défunts

Du 19 au 21 septembre, les Cambodgiens bénéficiaient de trois jours fériés, pour le Pchum Ben, ‘la fête des morts’, une fête nationale à l’occasion de laquelle l’Eglise catholique locale commémore les défunts. Une adaptation liturgique ad experimentum.

 

A Chamnom, le 19 septembre dernier, les fidèles prient sur les tombes de leurs ancêtres. (Facebook/Catholic Church in Cambodia)
A Chamnom, le 19 septembre dernier, les fidèles prient sur les tombes de leurs ancêtres. (Facebook/Catholic Church in Cambodia)

Célébré à l’occasion du quinzième jour du dixième mois lunaire, Pchum Ben, ‘la fête des morts’, tient un rôle central dans le calendrier cambodgien. En témoignent les trois jours fériés dont bénéficient les Cambodgiens à travers tout le pays. Fête la plus importante de l’année, avec Chaul Chham, le nouvel an, c’est non seulement une fête familiale, mais un évènement religieux, social et culturel majeur.

 

Pchum Ben, une fête du bouddhisme theravada khmer

 

Dans la religion bouddhiste theravada khmère, religion de 96% de la population, Pchum Ben désigne le dernier jour de Kan Ben, quinze jours pendant lesquels le Dieu des enfers, Yâma, libère les âmes des morts. Celles-ci viennent hanter les vivants et chercher des bon kosâl, des mérites positifs, pour favoriser leur réincarnation.

 

Pendant ces quinze jours, les familles cambodgiennes se réunissent, pour prier et organiser des offrandes, afin de favoriser la réincarnation de leurs défunts. Ainsi, avant le lever du soleil, les familles apportent, à tour de rôle, des offrandes aux moines de la pagode. En particulier, des bay ben, boules de riz gluant cuit dans du lait de coco, sont déposés autour du bay bettbor, un gâteau de riz pointu recouvert d’une feuille de bananier, au bout duquel on plante une bougie, des fleurs et des baguettes d’encens. Les bonzes récitent ensuite des bénédictions, pour réduire le mauvais karma des défunts et favoriser leur réincarnation.

 

A cette occasion, les pagodes sont ornées de nombreuses bannières multicolores. Les stupas, monuments funéraires pyramidaux, sont eux aussi nettoyés et ornés.

 

Cette pratique, aussi bien religieuse que sociale, marque l’appartenance au groupe familial et peut représenter un dilemme pour les minorités religieuses, notamment la minorité catholique (0,2 % de la population).

 

Une adaptation liturgique ad experimentum

 

En 1970, le Saint-Siège a autorisé l’Eglise locale à transférer la fête de la Toussaint et de la commémoration des fidèles défunts, en principe célébrés les 1er et 2 novembre, à la date du Pchum Ben. Cette adaptation liturgique ad experimentum est intervenue après le Concile Vatican II : la Constitution de ce dernier, promulguée le 4 décembre 1963 par le pape Paul VI, autorisait des adaptations liturgiques du rite romain selon les dons et qualités des divers peuples, sous la direction des conférences épiscopales.

 

Cette adaptation fait suite à une première solennisation de la fête locale des morts, initiée dès 1967, par le P. Simon Chhem Yen, premier prêtre cambodgien, ordonné en 1957.

 

Mgr Yves Ramousse, membre de la Société des Missions étrangères de Paris et vicaire apostolique de Phnom Penh de 1963 à 1972 et de 1992 à 2001, est l’un des artisans de ces adaptations. « Après le Concile, explique-t-il, en communication avec les différentes instances romaines, la conférence épiscopale du Laos et du Cambodge (CELAC) a pris la décision de procéder à ces adaptations liturgiques. Au Cambodge, tout le monde célèbre la fête des morts, c’est une fête très importante ; les chrétiens, qui ne célébraient pas cette fête, pouvaient paraître ingrats, des enfants sans reconnaissance à l’égard de leurs ancêtres. »

 

Outre l’adaptation liturgique à l’occasion de Pchum Ben, la CELAC a décidé en 1966 qu’en cas de concurrence entre le mercredi des cendres et le Têt, le nouvel an vietnamien, le jeûne devait être transféré au mercredi de la semaine suivante. De même, en cas de concurrence du Vendredi Saint et du Nouvel An lao-cambodgien, le jeûne devait être transféré au vendredi de la semaine précédente. Pour Mgr Ramousse, « l’autorisation d’adopter les langues locales pour la liturgie, celle de s’asseoir sur des nattes, et non sur des bancs, pendant les célébrations, ont également été un grand bienfait pour l’Eglise. »

 

Depuis cette année, dans le diocèse de Phnom Penh, la Toussaint est à nouveau célébrée le 1er novembre et la fête des défunts lors de Pchum Ben.

 

(eda/fp et df)